Dossier Sandrine Cerruti - Septembre 2020 Ecrit par Sandrine Cerruti

Catégorie: Interviews  /  Créé(e): 22.09.20 17:33:29  /  Modifié(e): 23.09.20 09:48:21

Questions du comité de lecture

 

 

Qu’est-ce qui vous a inspiré l’écriture d’Outrefeu?

 

M’accorder de trouver mes mots pour dire mon horizon intérieur. La direction de mon regard intérieur. Mon ressenti poétique du monde en aller-vers. L’une des façons de le dire, c’est la marche à outrefeu. 

 

Dans quel état d’esprit avez-vous attaqué l’écriture de ce tryptique ?

 

M’accorder de donner enfin sa forme à une infinie liberté d’expression personnelle, en la tournant vers des lecteurs. 

 

Dans le poème l’enfant-feu vous abordez le thème du génocide. Qu’est-ce que ce crime, que l’on peut qualifier d’absolu, évoque pour vous ?

 

Génocide : l’un des visages parmi les plus désertés d’humanité de notre espèce. Et parfois, quand plus aucune institution, aucun regroupement de résistance ne peut plus rien contre la barbarie du génocide, l’acharnement de cruauté, il existe des miracles individuels. Des êtres qui trouvent la force ultime d’échapper à l’innomable. Parfois, je me dis que je suis de l’espèce des génocides. Génocideurs… Génocidés... Gilles Deleuze parlait du sentiment de « honte d’être un homme ». Et … trop peu souvent… surgit le miracle de celui qui parvient à échapper au génocide. « Il est grand temps de rallumer les étoiles » écrivait Apollinaire. C’est bouleversant. Oui. Parfois, il y a le miracle d’un rallumeur d’étoiles. Là. Ça brille pourtant depuis le profond des ténèbres de notre espèce. 

 

Dans le poème plume et sang, que symbolise « l’oiseau mort qui renaît dans son sang »?

 

C’est ma version personnelle du mythe bien connu du phénix. 

 

Votre écriture se place résolument du côté de la victime. Est-ce ainsi que vous envisagez votre travail de poètesse ?

 

Oui. Radicalement oui. Je me range du côté des victimes. La victime n’a pas la force. Sa détresse. Oui. La détresse de la victime. Hannah Arendt a génialement traité de la radicalité du mal. Se placer du côté de la victime, c’est d’abord fixer le mal droit dans les yeux. C’est aussi choisir de défendre la victime coute que coute. Surtout si elle est une cause perdue. Oui. Surtout si elle est une cause perdue. Il faut donner la parole aux cendres. Aux charniers enfouis.

« Politiquement, la faiblesse de l'argument du moindre mal a toujours été que ceux qui choisissent le moindre mal oublient très vite qu'ils ont choisi le mal. » Responsabilité et jugement de Hannah Arendt

 

 

Quelle(s) musique(s) accompagnerai(en)t le mieux vo(tre)s texte(s)?

 

 

Bob Dylan  Knockin' on Heaven's Door

 

 

Questionnaire de Proust

 

Quelle est votre vertu préférée ?

 

La délicatesse

 

Quel est votre principal défaut ?

 

Vivre avec l’idée profondément ancrée en moi que le pire n’est jamais sûr. Vivre sans aucune confiance accordée. A personne. A rien. Mais avec la force incandescente que tout est possible pour contrer le pire. 

 

Quelle est votre fleur préférée ?

 

Le nénuphar. J’aime toutes les plantes à rhizome. C’est un concept de Gilles Deleuze dont je fais bien volontiers une ontologie personnelle en 4 points fondamentaux : Le « principe de connexion et d'hétérogénéité » (le rhizome se forme par liaisons d'éléments hétérogènes sans qu'un ordre préalable assigne des places à chaque élément) ; Le « principe de multiplicité » ( il n'a nullement besoin de l'unité pour former un système, il est multiplicité) ; Le « principe de rupture asignifiante » qui caractérise l'absence d'ordre, de hiérarchie entre les éléments ; le « principe de cartographie » (la carte est un tracé original qui rend un aspect du réel que nous ne connaissions pas encore ). Tout mon être dans une plante libertaire. Être à la fois profondément raisonnable et intuitive. 

 

Quel don de la nature voudriez-vous avoir ?

 

Voler le plus haut possible. Et dans l’ordre de la nature, je suis fascinée par l’oie tigrée (anser indicus), réputée pour être l’oiseau qui vole le plus haut au monde. Sa prouesse est de voler au-dessus de la chaine de l’Himalaya, à plus de 900 mètres. A cette hauteur chaque bouffée d’oxygène est 3 fois plus pauvre et la température peut atteindre -50. Point de vue imprenable sur le monde pour anser indicus, qui vole, imperceptible depuis le sol. 

 

Quel est votre état d’esprit actuel ?

 

Ne te laisse jamais enfermer dans un état d’esprit